La fourmi

La fourmi

Une fourmi de dix-huit mètres
Avec un chapeau sur la tête
Ça n’existe pas ça n’existe pas

Une fourmi traînant un char
Plein de pingouins et de canards
Ça n’existe pas ça n’existe pas

Une fourmi parlant français
Parlant latin et javanais
Ça n’existe pas ça n’existe pas

Et pourquoi pas ?

Robert Desnos

La différence

La différence

Pour chacun une bouche deux yeux
deux mains deux jambes

Rien ne ressemble plus à un homme
qu’un autre homme

Alors
entre la bouche qui blesse
et la bouche qui console

entre les yeux qui condamnent
et les yeux qui éclairent

entre les mains qui donnent
et les mains qui dépouillent

entre les pas sans trace
et les pas qui nous guident

où est la différence
la mystérieuse différence?

Jean Pierre Siméon

Le Pélican

Le Capitaine Jonathan,
Etant âgé de dix-huit ans
Capture un jour un pélican
Dans une île d’Extrême-orient,

Le pélican de Jonathan
Au matin, pond un œuf tout blanc
Et il en sort un pélican
Lui ressemblant étonnamment.

Et ce deuxième pélican
Pond, à son tour, un œuf tout blanc
D’où sort, inévitablement

Un autre, qui en fait autant.

Cela peut durer pendant très longtemps
Si l’on ne fait pas d’omelette avant.

Robert Desnos

Poésie : C’est demain dimanche

C’est demain dimanche

Il faut apprendre à sourire
même quand le temps est gris
Pourquoi pleurer aujourd’hui
quand le soleil brille
C’est demain la fête des amis
des grenouilles et des oiseaux
des champignons des escargots
n’oublions pas les insectes
les mouches et les coccinelles
Et tout à l’heure à midi
J’attendrai l’arc-en-ciel
violet indigo bleu vert
jaune orange et rouge
et nous jouerons à la marelle

Philippe Soupault (1887-1990)

 

Un chanteur, Grégoire, a mis ce poème en musique.

Écoute-le : https://www.youtube.com/watch?v=Tvlbvleob2A

Le Corbeau et le Renard

Le Corbeau et le Renard
Maître corbeau, sur un arbre perché,
Tenait en son bec un fromage.

Maître renard par l’odeur alléchée,
Lui tint à peu près ce langage :
« Et bonjour Monsieur du Corbeau.
Que vous êtes joli ! Que vous me semblez beau !
Sans mentir, si votre ramage
Se rapporte à votre plumage,
Vous êtes le phœnix des hôtes de ces bois. »

A ces mots le corbeau ne se sent pas de joie;
Et pour montrer sa belle voix,
Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.
Le renard s’en saisit et dit: “Mon bon Monsieur,
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l’écoute:
Cette leçon vaut bien un fromage sans doute.”

Le corbeau honteux et confus
Jura mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus.

Jean de La Fontaine

https://www.youtube.com/watch?v=xYMgdW7-s9E

Poésie : Quand la porte se souvient

Quand la porte se souvient,
Quand la table se souvient,
Quand la chaise, l’armoire, le buffet, la fenêtre se souviennent
Quand ils se souviennent intensément
De leurs racines, de leurs sèves, de leurs feuilles
De leurs branches,
De tout ce qui les habitait,
Des nids et des chansons
Des écureuils et des singes
De la neige et du vent
Un frisson traverse la maison
Qui redevient forêt.

HAMID TIBOUCHI